Le contentieux de la nationalité française connaît depuis quelques années un développement parallèle à l’augmentation des demandes d’obtention de la nationalité française. De telle sorte que l’avocat spécialisé en droit des étrangers et de l’immigration est très souvent sollicité pour le contentieux de la nationalité, alors même que cette dernière relève essentiellement du droit privé, tandis que le droit des étrangers relève essentiellement du droit public.
I- Comment obtenir la nationalité française
On peut devenir français de deux manières :
- Soit par attribution
- Soit par acquisition
A) Devenir Français par attribution
Dans cette hypothèse, la nationalité est automatiquement acquise soit par la filiation, soit par la naissance en France.
1- Devenir français par la filiation
Aux termes de l’article 18 du code civil, est Français, est français l’enfant, légitime ou naturel dont l’un des parents au moins est français.
Il est à préciser pour ce qui est de l’adoption que seule l’adoption plénière produit effet de plein droit sur la nationalité de l’adopté. Cette filiation doit être établie pendant la minorité de l’adopté.
L’enfant faisant l’objet d’une adoption simple par un parent français n’acquiert pas la nationalité française du fait de cette adoption simple.
2- Devenir français par la naissance en France
Le principe est que le droit du sol n’existe pas en France. Autrement dit, l’enfant né sur le sol français n’est pas systématiquement français.
Ce principe connaît néanmoins quelques exceptions :
- Art.19 du code civil : « Est français l’enfant né en France de parents inconnus »
- Art.19-1 du code civil : « Est français » :
1° L’enfant né en France de parents apatrides ;
2° L’enfant né en France de parents étrangers pour lequel les lois étrangères de nationalité ne permettent en aucune façon se voie transmettre nationalité de l’un ou l’autre de ses parents ; - Art.19-3 « Est Français l’enfant, légitime ou naturel, né en France lorsque l’un au moins de ses parents est né en France »
Si le droit du sol n’est pas systématique en France, il existe un « double droit du sol » qui lui est systématique.
En effet, aux termes de l’article 19-3 du Code civil, est français l’enfant né en France lorsque l’un de ses parents au moins y lui-même né. Cette disposition n’est pas valable pour les enfants de diplomates.
Outre la nationalité par attribution, on peut également devenir français par acquisition.
B) Devenir Français par acquisition
Il existe plusieurs façons de devenir français par acquisition : par le mariage, la naissance et la résidence en France, en raison de l’adoption par un français, par la possession d’état de français, par la naturalisation…
1- Devenir français par le mariage
Le principe est que le mariage n’exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité.
Toutefois, l’article 21-2 du code civil prévoit que, l’étranger marié à un conjoint de nationalité française peut après un délai quatre à compter du mariage acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage.
Selon les cas, il peut être demandé au conjoint étranger de justifier de d’une connaissance de la langue française.
2- Devenir français par la naissance et la résidence en France
Comme il a été souligné plus haut, le principe est que le droit du sol n’existe pas en France.
Toutefois, l’enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si à cette date, il a en sa résidence habituelle en France, et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans depuis l’âge de 11 ans. (Art. 21-7 Code civil)
3- Devenir français par l’adoption simple
L’adoption plénière confère de plein droit la nationalité française à l’adopté lorsque l’adoptant est de nationalité française. L’adoption simple ne confère pas le même droit à l’adopté.
Néanmoins, l’enfant qui a fait l’objet d’une adoption simple par une personne de nationalité française peut jusqu’à sa majorité, déclarer qu’il réclame la nationalité française, pourvu qu’à l’époque de sa déclaration il réside en France.
4- Devenir français par la naturalisation
Tout étranger qui répond aux conditions prévues par la loi peut demander à être naturalisé français.
L’étranger doit notamment avoir sa résidence habituelle en France pendant les 5 années qui précèdent le dépôt de la demande et pendant l’instruction de sa demande.
Cette durée de 5 ans est réduite à deux ans lorsque notamment, l’étranger a accompli avec succès deux années d’études supérieures en vue d’acquérir un diplôme délivré par une université ou établissement d’enseignement supérieur français ; ou encore qu’il a rendu ou pu rendre par ses capacités et ses talents des services importants à la France.
Le candidat à la naturalisation doit être âgé d’au moins 18 ans.
II- Les recours en cas d’ajournement, de refus de naturalisation ou de certificat de nationalité
Les recours sont ici de deux ordres. Ils peuvent être administratifs ou juridictionnels.
Les recours administratifs sont adressés à l’administration pour solliciter qu’elle revienne sur sa décision. L’office de l’avocat n’est pas obligatoire même s’il est fortement recommandé.
Les recours juridictionnels ou recours contentieux sont eux soumis au juge administratif ou judiciaire selon les cas de figure. Dans le premier cas, l’office de l’avocat n’est pas obligatoire mais plus que recommandé.
A) Les recours administratifs (gracieux et hiérarchiques)
Selon la nature du refus, les recours sont adressés soit au ministre de la justice, soit auprès du ministre chargé des naturalisations.
1- Les recours auprès du ministre de la justice
Le bureau de la nationalité au ministère de la justice est compétent pour connaître de tout recours hiérarchique :
- Contre les décisions de refus de délivrance de certificat de nationalité française ;
- Contre les décisions de refus d’enregistrement de déclaration prises par les greffiers en chef des tribunaux d’instance.
Il faut souligner que la contestation d’un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française n’est enfermée dans aucun délai.
Par contre, le recours contre un refus d’enregistrement de déclaration doit être enregistrée dans un délai de six mois. Le délai de recours contentieux qui est également de six mois n’est pas suspendu.
Il convient alors pour conserver la preuve du recours hiérarchique de l’adresser par lettre recommandé avec accusé de réception. Ce recours adressé au ministre n’est soumis à aucune forme, mais doit être signé par le requérant ou son avocat.
L’intérêt de tels recours est d’éviter une longue procédure contentieuse, lorsqu’il est manifeste que l’administration s’est trompée.
2- Les recours auprès du ministre de chargé des naturalisations
Le ministre en charge des naturalisations (aujourd’hui le ministre de l’intérieur, sous –direction de l’accès à la nationalité française) peut être saisi d’un recours hiérarchique à la suite d’une décision de refus ou d’ajournement en matière de naturalisation ou de réintégration.
Ici également, le recours doit être adressé au ministre par lettre recommandé avec accusé de réception signée par le requérant ou son avocat.
Le principe est que les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître des contestations sur la nationalité des personnes physiques, avec la possibilité d’appel devant la Cour d’appel, puis de pourvoi en cassation.
Les recours ici sont obligatoirement introduits par l’office d’un avocat.
Toutefois, les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat restent compétents pour connaître des connaître des recours contre certains des actes administratifs qui interviennent en la matière. Devant les juridictions administratives, le recours pour excès de pouvoir est dispensé de ministère d’avocat.
1- Les recours relevant du Tribunal Judiciaire
a) L’action déclaratoire ou négatoire de nationalité française
L’objet de cette action, prévue par l’article 29-3 du code civil consiste à faire juger que telle personne a ou n’a pas la nationalité française. L’intéressé peut intenter lui-même cette action pour faire fixer sa nationalité.
Cette action doit notamment être exercée lorsque l’intéressé est confronté à un refus de certificat de nationalité.
Le Conseil d’Etat a en effet jugé que les juridictions administratives étaient incompétentes pour connaître du recours dirigé contre un tel refus (CE 17 mars 1995, M, SOILIHI, req. N°130 791.
Cette action peut également être exercée lorsqu’on n’obtient aucune réponse à une demande de délivrance d’un certificat de nationalité française au bout de plusieurs mois, voire de plusieurs années.
b) Le recours contre le refus d’enregistrement d’une déclaration de nationalité.
Il peut s’agir d’une déclaration de répudiation, d’une déclaration de renonciation à la faculté de répudiation, d’une déclaration en vue de réclamer la nationalité française, d’une déclaration en vue d’être réintégré dans la nationalité française, d’une déclaration de perte de nationalité française.
La personne qui se voit refuser l’enregistrement de sa déclaration peut dans un délai de 6 mois à compter de la notification de la décision de refus, engager une action à l’encontre du procureur de république devant le tribunal judiciaire.
Cette action se fait par voie d’assignation qui doit être « placée » auprès du greffe du tribunal Judicaire dans un délai de quatre mois après. Un double de l’assignation doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au ministère de la justice qui délivrera un récépissé indispensable à la recevabilité de la procédure.
Le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle suspend ce délai qui court de nouveau à compter de la notification de la décision de désignation de l’avocat.
Un recours administratif introduit dans ce délai n’est quant à lui pas suspensif.
Le mineur de plus de seize ans peut par lui-même exercer de telles actions sans ses parents.
c) Les questions préjudicielles
Les questions de nationalité étant de la compétence des tribunaux judiciaires, lorsqu’une autre juridiction – à l’exception d’une cour d’assises – est confrontée à une question de nationalité, elle doit surseoir à statuer lorsque s’élève une contestation sérieuse portant sur la nationalité d’un individu et soumettre la question au tribunal judiciaire. Lorsque la question de la nationalité est soulevée par l’une des parties, le tribunal fixe à l’intéressé un délai pour saisir le tribunal judiciaire.
Ainsi en est-il par exemple devant le tribunal correctionnel lorsque la personne poursuivie pour infraction à un arrêté d’expulsion soutient qu’elle est française, ou devant la chambre d’accusation lorsque la personne qui fait l’objet d’une demande d’extradition prétend qu’elle est française et ne peut donc être extradée.
La question de la nationalité peut également se poser lorsqu’une personne faite l’objet d’une mesure d’éloignement. La juridiction administrative doit alors surseoir à statuer lorsque la personne concernée fait état d’éléments sérieux laissant penser qu’elle pourrait prétendre à la nationalité française, et quand bien même aucune demande n’aurait été déposé auprès du tribunal judiciaire.
2- Les recours devant les juridictions administratives.
a) Le recours contre une décision irrecevabilité d’une demande de naturalisation ou de réintégration, de rejet ou d’ajournement.
Le préfet ou le ministre peut déclarer la demande irrecevable lorsqu’il estime que les conditions ne sont pas emplies (empêchements, âge, résidence, assimilation…).
Il peut la rejeter purement et simplement, ou alors l’ajourner en l’assortissant d’un délai ou des conditions : à l’issue de ce délai d’ajournement, ou si les conditions requises sont remplies, l’intéressé peut présenter une nouvelle demande. En pratique depuis que la compétence en matière de naturalisation a été transférée au préfet on constate que les délais d’ajournement s’allongent considérablement.
La décision d’irrecevabilité peut intervenir sans qu’il soit nécessaire de procéder à l’entretien si, dès la procédure de constitution du dossier, il apparaît que la demande est manifestement irrecevable.
L’intéressé peut former un recours devant le ministre en charge des naturalisations contre une de ces décisions dans un délai de deux mois suivant notification.
Le silence gardé par le ministre suite à ce recours pendant plus de quatre mois, vaut décision de rejet. Il s’agit d’un recours préalable obligatoire au recours contentieux devant le tribunal administratif de Nantes, qui doit lui-même être formé dans un délai de 2 mois à compter de la décision explicite ou implicite.
S’agissant d’une irrecevabilité, le juge vérifie, le juge vérifiera que les conditions légales (résidence habituelle en France, empêchements, moralité, assimilation…) n’étaient effectivement pas remplies.
S’agissant en revanche d’un rejet ou d’un ajournement pour des raisons d’opportunité, le juge n’exercera qu’un contrôle restreint et n’annulera que si elle lui paraît entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, de sorte que les chances de voir un recours aboutir sont limitées.
b) Le recours contre le refus de délivrer une copie de la déclaration enregistrée après expiration du délai légal
Alors que le Tribunal judiciaire est seul compétent pour apprécier le bien-fondé d’un refus d’enregistrement notifié à l’intérieur du délai de six mois ou d’un an, le refus explicite ou implicite de délivrer une copie de la déclaration enregistrée après l’expiration du délai légal peut être contesté devant le tribunal administratif par le biais d’un recours pour excès de pouvoir.
Ce refus qu’il émane du greffier en chef du tribunal judiciaire, du ministre de la justice (déclaration souscrite à l’étranger) ou du ministre en charge des naturalisations (cas du mariage), constitue en effet une décision administrative illégale, puisqu’une fous le délai écoulé, l’enregistrement est de droit.
c) Le recours contre le décret d’opposition gouvernementale à l’acquisition de la nationalité française par déclaration après mariage.
L ‘opposition gouvernementale par décret n’est possible que dans le cadre de l’acquisition de la nationalité par le mariage.
Il faut alors distinguer le refus d’enregistrement, motivé par le fait les conditions de recevabilité ne sont pas remplies, de l’opposition, qui elle est motivée par le défaut d’assimilation ou l’indignité.
Lorsque le gouvernement envisage de s’opposer à l’acquisition de la nationalité française par le conjoint de français, le ministre chargé des naturalisations notifie les motifs de fait et de droit qui justifieraient l’intention de faire opposition à l’intéressé. Celui-ci doit disposer d’un délai d’au moins un mois pour produire un mémoire en défense. La notification est faite en la forme administrative ou par lettre recommandée avec accusé de réception.
Si le gouvernement n’a pas changé d’avis au vu des observations qui lui ont été présentées, l’opposition est prononcée par décret et notifiée à l’intéressé. Le décret d’opposition prend effet à la date de sa signature.
L’intéressé peut former un recours gracieux contre le décret d’opposition ou encore intenter dans le délai de deux mois un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat.
L’opposition fait obstacle à l’acquisition de la nationalité française et l’intéressé est invité, par lettre recommandée, à restituer l’exemplaire de la déclaration enregistrée qui lui avait été remis par le ministre chargé des naturalisations. Il est alors réputé n’avoir jamais été français.
Si aucune opposition n’est envisagée, il est remis au déclarant une attestation de non-opposition. Celle-ci est automatiquement délivrée à l’expiration du délai prévu pour l’opposition.